TIPO DE ENTRADA : TEORÍA FEMINISTA

Aliénation

Résumé :Ce travail rend compte des réappropriations féministes du concept d’aliénation hérité de la tradition philosophique. Après avoir rappelé les jalons essentiels de cette tradition à travers les philosophies de Rousseau, Hegel et Marx, il distingue trois grandes formes de conceptualisations féministes de l’aliénation. Elles ont en commun l’analyse critique d’une forme spécifiquement féminine d’aliénation, liée à une multiplicité de phénomènes (dépossession des capacités, fragmentation du corps, réduction à l’objet, adhésion paradoxale à l’assujettissement). On présente d’abord la pensée beauvoirienne de l’aliénation. Marquée par l’existentialisme, elle considère l’aliénation comme une dimension constitutive de l’existence humaine, tout en cherchant à saisir les déterminants à la fois psychiques et sociaux de l’aliénation spécifique des femmes. Cette conceptualisation féministe inaugurale se caractérise par une double approche, à la fois ontologique et historico-sociale, qui marque durablement la réflexion féministe sur l’aliénation. Sont ensuite distingués deux champs de la critique contemporaine, héritiers de Beauvoir : celui de la critique féministe de l’objectification sexuelle, d’une part, et de la critique fémo-marxiste, d’autre part. Tandis que le premier confère à la réflexion sur l’aliénation une portée éthique et juridique en exposant la problématicité morale impliquée par le traitement instrumental du corps féminin chosifié, le second privilégie l’étude des structures capitalistes qui pérennisent l’auto-aliénation féminine, et résistent ainsi aux effets de la critique morale. La notice conclut sur les raisons de l’étonnante dichotomie divisant encore aujourd’hui la philosophie sociale de l’aliénation et la réflexion féministe sur l’aliénation, et propose de la surmonter grâce à la Théorie critique de l’École de Francfort. Summary: This paper presents feminist reappropriations of the concept of alienation inherited from the philosophical tradition. After a brief review of the essential milestones of this tradition through the philosophies of Rousseau, Hegel and Marx, it distinguishes three main forms of feminist conceptualizations of alienation. These positions share the critical analysis of a specifically feminine form of alienation, linked to a multiplicity of phenomena (dispossession of capacities, fragmentation of the body, reduction to the object, paradoxical adhesion to subjection). First, we present Simone de Beauvoir’s conception of alienation. Marked by existentialism, her thought considers alienation as a constitutive dimension of human existence, while seeking to grasp both the psychic and social determinants of the specific alienation of women. This inaugural feminist conceptualization is characterized by a dual approach, both ontological and social-historical, which has had a lasting impact upon feminist thinking on alienation. Then, we distinguish two fields of contemporary criticism, inherited from Beauvoir: the feminist critique of sexual objectification, on the one hand, and the feminist-Marxist critique, on the other. While the former gives to the reflection on alienation an ethical and juridical scope, namely by exposing the moral issues implied by the instrumental treatment of the female body, the latter privileges the study of the capitalist structures that perpetuate female self-alienation, thus resisting the effects of moral critique. The article concludes with a discussion of the reasons for the striking dichotomy that still divides the social philosophy of alienation and feminist thought on alienation, and proposes to overcome it through the Critical Theory of the Frankfurt School.